L'enfant de 10-11 ans a généralement acquis un état d'équilibre et une bonne stabilité adaptative. En effet, il dispose de
conduites de bases qui mettent en forme l'action propre de manière à être reconnu par le milieu et à
se reconnaître en elles. La différenciation/restructuration de ces conduites
dans une multitude de situations particulières lui a permis de mettre en forme
son énergieDès que la vie
apparait, qu’elle soit
animale ou végétale, l’organisme vivant produit de l’énergie. C’est
celle-ci
qui va rendre possible le fonctionnement interne de tout ce qui vit.
C’est elle
aussi qui rend possible les échanges entre une cellule et son
environnement.
C’est toujours elle qui est à l’origine de la force quasi-invisible
mais
considérable qui permettra à un arbre de casser une maçonnerie pour
étendre ses
racines. Enfin c’est elle qui sera altérée par la maladie et s’éteindra
avec la
mort.
De fait,
personne ne conteste
sérieusement cette énergie vitale quand elle se contente de s’exprimer
dans
l’ordre du biologique (ou du végétal) et rend compte aussi bien des
battements
du cœur que de la course d’un animal.
Tout ce
complique quand on entre dans
l’ordre du psychologique (ou de ses prémices) et plus
particulièrement de l’humain. et de gagner en autonomie dans les différents contextes qu'il a été amené à rencontrer.
Si le développement a été harmonieux, son adaptation est donc tout à fait satisfaisante et, par le jeu des imitations/identifications et des différenciations vis à vis des autres, il continue à perfectionner son accord adaptatif au milieu.
Toutefois, comme nous l'avons déjà précisé, l'amélioration constante de son accord adaptatif par des différenciations/restructurations qui s'intériorisent comme autant de manières d'être en situation, ne saurait permettre à l'enfant d'accéder à l'étape suivante. L'excellence atteinte par la diversification des conduites ne saurait modifier la base du rapport organisme/milieu sans l'intervention de nouvelles compétences dépendantes de la maturation neurobiologique de l'enfant.
Or, précisément, ce n'est pas une mais deux nouvelles fonctions qui vont parvenir à maturité. D'une part, de façon purement biologique, l'activation des organes sexuels, d'autre part, venant couronner un long travail d'apprentissage cognitif : l'accès à la pensée formelle (Cf.:Piaget), rendu possible par la maturation corticale. Les attentes sociales changent aussi et l'enfant, devenu adolescent, est de plus en plus engagé à devenir un grand, c'est-à-dire un adulte autonome.
La crise structurante de l'adolescence intervient donc comme une rupture
du bel équilibre adaptatif qu'avait atteint l'enfant. Elle implique ainsi
l'élaboration d'une nouvelle base adaptative, une nouvelle définition
du rapport organisme/milieu et elle est donc la phase centripète d'un nouveau
détourLa notion de détour met en avant un "procédé
qui consiste, pour un
organisme, à mettre en place un nouveau type de rapport adaptatif au
milieu, par réélaboration de son organisation interne débouchant sur
une nouvelle forme d'activité dans le milieu, ayant une portée plus
générale"(Cariou, 1995, p.127).
Autrement dit, l'organisme, en étant
confronté aux différentes modifications du milieu dans son interaction
avec lui, va opérer une restructuration de son organisation interne
grâce à l'intériorisation d'éléments externes, ce qui pourra donner
lieu à de nouveaux comportements plus adaptés, toujours dans le but de
maintenir l'accord vital, mais plus indirectement.,
dont la phase centrifuge se déroulera tout au long de la vie adulte.
La puberté est souvent le premier signe visible de cette transformation. L'apparition des organes sexuels secondaires, la modification des proportions relatives des segments corporels, l'activation des organes sexuels eux-mêmes, conduisant à la découverte du plaisir véritablement sexuel, sont des évènements qui ne peuvent rester inaperçus de l'enfant et même de son entourage. Ces évènements génèrent une angoisse relative à la reconnaissance du corps propre comme étant bien le sien. Afin de rétablir ce support de la sécurité de baseLa sécurité de base n’est pas un sentiment (conscience), mais un état psychologique inconscient. Elle exprime l’état d’un organisme qui est en accord adaptatif avec son milieu (quelque soit le niveau). Quand cet accord est menacé ou rompu (objectivement ou subjectivement), apparaît un signal d’alarme, l’angoisse, qui fonctionne au plan psychologique comme la douleur au plan organique. , qui se trouve ainsi altéré, l'adolescent doit effectuer un nouveau travail d'appropriation de son propre corps.
La transformation profonde de la pensée que génère l'accès aux opérations formelles et à un niveau d'abstraction plus élevé, est moins directement visible et souvent plus tardive que les effets dus à la maturation sexuelle. C'est souvent de manière indirecte que cette acquisition décisive se laisse percevoir.
Ainsi, comme dans le deuxième détour, on constatera une tendance au repli sur soi et un rejet de tous ses comportements adaptatifs au micro-milieuOn peut dire que chaque adulte ne s’adapte plus à un milieu objectif mais plutôt à la représentation intériorisée qu’il a de celui-ci, le micro-milieu. Or celle-ci, forgée par les interactions qui ont développé la personne (ses compétences, ses réussites, ses échecs, ses relations affectives, etc.), n’est pas, à proprement parlé, une représentation subjective du milieu (puisqu’elle n’est pas le choix conscient d’un sujet) mais elle est singulière, unique et réalise le micro-milieu (mentalisé) par rapport auquel s’exercera la démarche adaptative visant à assurer la sécurité de base. de l'enfance, différenciés dans la phase précédente sous l'influence des parents. On observera aussi une évolution des centres d'intérêts et de la nature des relations que l'enfant entretient avec ses camarades.
« Lorsque l'amitié et les rivalités cessent de se fonder sur la communauté ou l'antagonisme des tâches entreprises ou à entreprendre; lorsqu'elles cherchent à se justifier par des affinités ou des répulsions morales, lorsqu'elles semblent plus intéresser l'intimité de l'être que des collaborations ou des conflits effectifs, c'est l'annonce que l'enfance est déjà minée par la puberté » (Wallon, 1941Wallon H.,(2002[1941]). L'évolution psychologique de l'enfant, p.179.).
Le rejet de l'enfance qui s'amorce là, suite à une modification des compétences de l'organisme, implique l'élaboration d'un nouveau micro- milieu en accord avec les nouvelles capacités que la croissance et le développement rendent possibles. Dans ce nouveau milieu il devra gérer lui-même la permanence et l'unité de son identité face à des altérités qui représentent la différence, mais au milieu desquelles il doit construire sa place